Ce week-end a lieu un célèbre festival : le Kanda Matsuri. À l’occasion de cette célébration biennale, le quartier de Kanda s’éveille. Une centaine de japonais en vêtements traditionnels défilent dans les rues. Ils transportent avec eux des mikoshi du Kanda Myojin, sanctuaires portatifs contenant des divinités.
Le Kanda Matsuri est un grand festival shinto se déroulant le week-end le plus proche du 15 mai, uniquement les années impaires.
Il a lieu pour la première fois au XVIIème siècle en célébration de la victoire de Tokugawa Ieyasu à la bataille de Sekigahara. Quelques années plus tard, Tokugawa devient shogun et la paix s’installe au Japon. Le festival aura lieu tous les ans afin de fêter cette période de prospérité.Actuellement, il est organisé en l’honneur des kami du Kanda Myojin, devant lesquels Tokugawa priait avant chaque bataille décisive. Le festival se déroule principalement dans le quartier de Kanda à Tokyo.
Le samedi, les 3 mikoshi du Kanda Myojin, des sanctuaires portatifs contenant les divinités du sanctuaire, parcourent un itinéraire de 30km. Plus d’une centaine de personnes se retrouvent pour défiler en tenue traditionnelle.
Le dimanche, les quartiers voisins défilent avec leurs propres mikoshi.
Notre mission de la journée : trouver cette procession afin d’y assister et découvrir en quoi elle consiste. Seul problème… nous ne savons pas où est la procession en temps réel et par quelle route elle passera.
Afin de la trouver, nous nous rendons à la gare de Tokyo et nous en profitons pour la visiter. Je vous entends déjà, surpris : « Visiter une gare ? C’est bizarre… ». Mais la gare de Tokyo n’est pas n’importe quelle gare ! Elle est impressionnante par son architecture et sa façade de briques rouges, inspirée de la gare d’Amsterdam. Du moins, c’est ce que dit le guide. C’est aussi l’une des gares les plus fréquentées de Tokyo.
Une fois arrivées à notre station, nous cherchons la sortie la plus proche et débouchons à l’extérieur sur une place. Nous nous retournons, pleines d’anticipation à l’idée d’admirer la gare mais seul un bâtiment immense aux murs de verre nous fait face. Nous serions-nous trompées de gare ? Google Maps nous affirme que ce n’est pas le cas… Alors, cette gare, serait-elle multiforme ? Une seule façon de le découvrir, trouver ses autres façades !
Faire le tour de la gare serait bien trop long, elle fait tout de même 182 000m², soit presque 3 fois le château de Versailles (hors jardins) ! Nous nous engouffrons donc à nouveau dans la gare qui ressemble beaucoup à un centre commercial : des boutiques nous entourent de tous les côtés (et même certaines de luxe comme Channel et Dior). Tel dans un labyrinthe, nous déambulons dans la gare, sortons de nouveau, nous trompons de façade et tentons ensuite de lire un plan sans que cela nous aide. Vaincues, nous décidons d’allumer le Pocket Wifi pour requérir l’aide de Google. C’est donc la façade Ouest que nous devons trouver !
Ni une ni deux, nous partons dans cette direction et, après quelques minutes de marche, arrivons dans un hall spacieux surmonté d’un immense dôme de style Renaissance. Après la ribambelle de magasins installés dans des couloirs sombres aux lumières artificielles, j’ai l’impression de changer d’époque et de me trouver au XVIIIème siècle en Italie. Derrière les balustrades entourant le dôme se trouvent les chambres d’hôtel de la gare. (Oui oui, il y a bien un hôtel dans la gare !)
Nous sortons ensuite dehors et trouvons enfin l’impressionnante façade de briques rouges trônant sur plusieurs dizaines de mètres. Différentes sources mettent en cause la véracité selon laquelle l’architecte se serait inspiré de la gare d’Amsterdam, mais on se croirait bien devant elle.
Nous sommes sorties du labyrinthe mais nous n’avons fait que la moitié du chemin. Il nous faut encore rejoindre le festival. Nous partons en direction des jardins impériaux, près desquels la procession devrait passer. Afin d’estimer où se trouve actuellement le défilé, nous utilisons un site indiquant le chemin parcouru par la procession lors du festival. Mais il ne précise pas le nom des rues… Qui a cru que l’escape game était terminé ?
Nous essayons donc de nous orienter tant bien que mal (plutôt mal d’ailleurs). Rien n’y fait, aucune procession dans les alentours. Nous faisons de nouveau appel à notre ami Google Maps afin de faire correspondre le chemin d’internet à la carte. Nous remarquons ainsi des routes bloquées, indiquées par Google… Ce sont les routes empruntées par la procession ! (Qu’est-ce qu’il est fort ce Google !)
Nous reprenons notre chemin, dans la bonne direction cette fois, mais pas l’ombre d’une personne à l’horizon… Il semblerait que le défilé nous ait devancées… Sortant à nouveau Google Maps, nous cherchons où il pourrait actuellement se trouver, jusqu’à remarquer un point se déplaçant sur la carte… Mais oui, c’est la localisation du défilé en temps réel ! (Qu’est-ce qu’il est super fort ce Google !)
Nous retournons donc à notre point de départ car c’est ici que le Kanda Matsuri se trouve. (Oui, oui, nous avons marché 40min avant de découvrir que le défilé était là où nous nous trouvions au début de notre aventure).
Enfin ! Le Kanda Matsuri se dévoile à nos yeux ! Nous rejoignons la foule de japonais amassés sur le trottoir pendant que la procession avance dans un silence rompu par le rythme des tambours. Devant nous défilent des hommes en tenue de samurai ou vêtus d’une tenue traditionnelle colorée : bleu, saumon, jaune, violet… Certains sont à cheval, d’autres tirent les chars sur lesquels reposent les mikoshi pendant que des derniers avancent, fiers de défiler, la tête haute.
À la suite de la procession, nous reprenons notre route vers les jardins impériaux. Contrairement aux jours précédents, le bruit est davantage présent, notamment à cause de la circulation. Peut-être est-ce dû au quartier ? Peut-être est-ce dû au week-end ? Nous n’en avons aucune idée. Je peux, en revanche, vous partager mes impressions sur les environs des jardins impériaux. Ils me font penser au Jardin du Luxembourg à Paris : les innombrables voitures à l’extérieur du jardin, dont la présence est rapidement oubliée une fois qu’on pénètre dans les lieux ; le flux constant de joggeurs qui fait le tour du parc et ne semble jamais prendre fin.
Les jardins impériaux entourent le palais impérial où réside l’empereur et sa famille. Ces derniers occupent la partie ouest des jardins, interdite au public, excepté le jour de l’anniversaire de l’empereur et au nouvel an.
C’est en ce lieu que fut construit le 1er château de Tokyo en 1590. Il fut ensuite remplacé par le palais de l’empereur lorsque Tokyo remplaça Kyoto comme capitale.
On y trouve aussi les vestiges du plus haut donjon du Japon en 1607, le Tenshu-dai, détruit en 1655 par le grand incendie de Meireki.
À l’entrée des jardins, le personnel nous donne un jeton que nous devrons rendre en sortant. Cela leur permet de contrôler l’affluence du parc facilement.
C’est au cours de la visite de ces jardins que nous avons découvert une Tokyo que nous ne connaissions pas, la Tokyo invincible. Malgré les épreuves que la ville a endurées, elle a toujours su renaître de ses cendres (et ce n’est pas qu’une simple expression). En 1657, la ville subit un grand incendie, connu sous le nom du grand incendie de Meireki. Il dure 3 jours et rase plus de la moitié de la ville. Quelques siècles plus tard, en 1923, un séisme d’une magnitude 7.9 ravage la ville et même la région. D’importants incendies se propagent à nouveau avant d’être éteints 2 jours plus tard. Quelques décennies après, la ville est sous le feu des bombardements, en 1945, lors de la seconde guerre mondiale. À nouveau, un incendie se déclare et se propage facilement, les habitations de bois étant encore très nombreuses.
Suite à ces incendies, une grande partie de la vieille ville n’est plus, dont les bâtiments des jardins impériaux. Ils ont malgré tout été reconstruits par un peuple résilient.
En parcourant les jardins, nous admirons les maisons de gardes, entièrement faites en bois où chaque pans de mur semble pouvoir coulisser pour révéler un passage. Le tout est surmonté d’une impressionnante toiture en pente dont les tuiles aux extrémités sont ornementées de médaillons aux différents motifs. Nous traversons aussi les bambouseraies, les roseraies et un étang où l’on retrouve bien sûr les fameuses carpes koïs. L’épaisse muraille de pierres entourant les jardins ne nous quitte jamais et nous retrouvons même les vestiges du donjon Tenshu-dai.
Au cours de notre visite, nous sommes surprises par un bâtiment, caché par des arbres, d’où semblent s’élever des cris barbares. Est-ce un refuge de criminel ? Un champ de bataille où des hommes se battent au péril de leur vie contre des créatures venues tout droit des bouches de l’enfer ? Un tournage de film ? Nous nous demandons longuement ce qui peut bien s’y passer et, après une enquête méticuleuse, nous pensons avoir trouvé la réponse : nous nous trouvions sûrement près d’un lieu de pratique du judo et/ou du kendo.
Notre matinée était bien remplie et il est déjà l’heure de manger. Nous décidons d’aller dans notre premier restaurant de ramen du voyage, recommandé par mes collègues. Pour cela, on file prendre le métro. Nous nous plaçons à côté des portes automatiques en attendant l’arrivée du train. C’est là que nous remarquons un autocollant près des portes : « Women Only ». Les wagons réservés entièrement aux femmes existent donc bien ! Ce n’était pas une légende ! Etant des femmes, nous avons donc le droit de monter à son bord. Et quelle ne fût pas notre surprise, lorsque nous nous apercevons qu’il y a des hommes dans ce wagon ! Quel culot ! (Nous apprendrons par la suite que le wagon est uniquement réservé aux femmes sur certains créneaux horaires… et nous étions en-dehors de ces créneaux).
En sortant du métro, nous croisons en chemin une autre procession de mikoshi, à taille plus humaine. Ils se préparent sûrement à défiler le lendemain et vérifient que tout est en ordre.
Notre restaurant de ramen n’est pas difficile à trouver puisqu’une longue file d’attente s’en écoule.
Qu’est-ce qu’un ramen ?
Plat typique japonais, c’est un bouillon de nouilles agrémenté de viande et légumes. Il est souvent composé de sauce miso ou soja. Il existe une très grande variété de ramen, n’hésitez pas à tous les goûter !
Au Japon, une file d’attente est souvent gage de qualité. En effet, les japonais dépensent majoritairement leur argent dans la restauration et préfèrent attendre longtemps afin de bien manger plutôt que d’attendre moins longtemps mais pour manger un plat qui n’est pas exceptionnel.
Pas le choix, nous prenons part à la queue. Habitué à recevoir beaucoup de clients, un serveur nous invite à choisir notre plat en attendant de pouvoir entrer. Une quinzaine de minutes plus tard, nous pénétrons dans le restaurant, dépassant au passage tous les groupes devant ! Mwahaha ! Il y a des bénéfices à voyager à 2.
Le restaurant est typique des restaurants japonais : la cuisine est ouverte et se trouve juste derrière le comptoir, nous offrant l’opportunité de voir la préparation des plats. La salle est exigüe, la plupart des places étant au comptoir ou sur les 2, 3 tables accolées au mur. C’est sur l’une de ces tables qu’on nous installe, nous amenant rapidement nos plats. Le ramen est beau, sent bon et est délicieux, mes collègues ne m’avaient pas menti. Le bouillon n’est pas trop salé, la viande est fondante est l’oeuf mollet est parfait. C’est d’ailleurs ma recommandation culinaire : si vous avez l’occasion de manger un ramen, demandez des oeufs en supplément. Ils sont marinés dans la sauce soja, ce qui leur donne un goût unique associé à une texture mollet, ils fondent en bouche.
On ressort du ramen pleinement rassasiées.
Notre prochaine étape nous amène dans le quartier d’Ueno.
Ueno est un quartier du Nord-Est de Tokyo. À l’époque d’Edo, il faisait partie du quartier de Shitamachi où vivaient en majorité les castes inférieures (marchands, artisans…). À l’opposé du quartier de Yamanote qui regroupait aristocrates et militaires.
Aujourd’hui, on y trouve de nombreux musées, temples et l’immense parc d’Ueno.
Nous nous rendons au musée Shitamachi qui retrace la vie à l’époque Edo. Et oui, vous connaissez bien cette époque maintenant ! Elle correspond à la prise de pouvoir du shogun Tokugawa vers 1600 et se termine en 1868, lorsque l’empereur recouvre ses pleins pouvoirs.
À peine sommes-nous arrivées qu’on nous propose de prendre part à une visite guidée, entièrement en anglais. Suivant la guide à l’intérieur du musée, nous pénétrons dans une reproduction grandeur nature d’un pâté de maison lors de la période Edo. C’est incroyable. Nous suivons le chemin et pénétrons dans la maison d’un tisserand, d’un vendeur de bonbons, d’un forgeron. À chaque nouveau commerce, la guide nous explique les us et coutumes, ainsi que la fonction de chaque objet. On se croirait réellement revenu dans le temps.
Au premier étage, nous en apprenons davantage sur le développement de Tokyo et sur la vie à l’époque d’Edo. La reconstitution des pièces de vie meublées d’objets d’époque nous immerge totalement dans la visite. Nous passons aussi beaucoup de temps du côté des jouets d’Edo où quelques casse-têtes anciens sont disponibles (et nous nous cassons bien la tête à essayer, sans grand succès, de les résoudre). Parmi les jouets se trouvent des bilboquets, des toupies et même des tangrams et katamino !
Sortant du musée, nous quittons l’ère Edo pour intégrer à nouveau le monde moderne. Nous partons nous balader dans le parc Ueno qui se trouve juste à côté.
Le Parc d’Ueno s’étend sur presque 54 ha. En 1625, le temple bouddhique Ken’ei-ji est fondé sur la colline. Il devient rapidement le temple de la famille Tokugawa, qui ne cesse de l’étendre.
En 1868 s’y déroule la bataille d’Ueno où les troupes impériales s’opposent à celles du Shogun. L’armée de l’empereur l’emporte, mettant fin à l’époque Edo. Le Japon entre dans l’ère Meiji. Durant la bataille, de nombreux temples sont détruits par le feu.
En 1876, la colline devient officiellement le parc Ueno, premier parc national japonais.C’est un lieu populaire à Hanami, pour observer les cerisiers en fleurs. On y trouve aussi de nombreux musées (Musée national de Tokyo, musée de Shitamachi…), des temples (dont le Tōshō-Gū), le zoo et l’étang de Shinobazu, couvert de nénuphars.
Déambulant parmi les nombreuses allées, nous y découvrons : de magnifiques temples, des monuments inattendus tels que celui présentant les lunettes que portait le shogun, ainsi qu’un festival. Cela tombe bien ! Nous commencions à avoir mal aux pieds et soif. De nombreuses tables et bancs sont disposés autour de la scène et nous nous installons. Sur scène, petits et grands enchaînent les numéros de danse. Les enfants sont tout aussi impressionnants que les adultes : ils dansent de façon synchronisée et n’ont pas besoin de professeur pour leur rappeler leurs pas.
Nous n’avons visité qu’une infime partie du parc et il serait plaisant d’y retourner pour y découvrir de nouveaux recoins.
Nous reprenons notre route pour visiter le quartier de Yanaka, l’un des seuls quartiers ayant survécu aux catastrophes dont j’ai parlé précédemment.
Yanaka est un quartier prisonnier du temps. Il a échappé aux nombreuses catastrophes qu’a subi la ville, ce qui lui donne son charme de quartier ancien.
On oublie les buildings et on se balade parmi les maisons de bois, les anciens temples, sanctuaires et les mini-cimetières de ville.
Le long des rues, nous observons des maisons de bois qui se dressent encore fièrement et abritent de petites boutiques ou des restaurants. Il y a aussi de grandes résidences privées aux allures de temples et de villas, qui nous rappellent celles qu’on a vu dans les jardins impériaux. De nombreux temples et cimetières jalonnent également tout le quartier.
Ce quartier vient rapidement à bout de nos dernières forces et nous décidons de rentrer à pied. (Quelle mauvaise idée !). Souffrant le martyr pour cause de pieds et jambes douloureuses, nous avançons doucement jusqu’à notre but, l’hôtel. Afin d’optimiser notre déplacement, nous cherchons s’il est possible de prendre des sushis à emporter mais ne trouvons rien…
Dans les dernières minutes précédent l’arrivée, Adibou pense s’être trompée d’hôtel et avoir sélectionné le Super Hotel d’un autre quartier de Tokyo. L’hypothèse semble d’autant plus se confirmer, nous ne reconnaissons pas la route que nous empruntons.
Plus de peur que de mal, nous arrivons à bon port et passons au 7-Eleven acheter à manger. Notre premier 7-Eleven ! Il y a beaucoup de choix peu chers pour un repas et je repars avec un onigiri saumon, un American dog et des pocky aux amandes.
Suite à nos 20km de marche, nous préférons nous reposer ce soir et allumons la télé. Nous découvrons ainsi un programme ressemblant au « Mur » français. Un candidat en affronte 99 autres sur un thème précis. S’il parvient à passer les 5 épreuves, il repart avec la mallette. Les deux premiers candidats ont eu pour thème Dragon Ball et la nourriture étrangère, il était possible de comprendre quelques questions. Puis le candidat suivant a dû répondre à des questions en lien avec les acteurs japonais. Ne comprenant plus grand chose, nous avons décidé d’éteindre et de nous coucher pour être en forme demain.